Depuis quelques années Vivre en Tarentaise est régulièrement invitée par les responsables de plusieurs domaines skiables pour échanger au sujet de projets d’aménagements ou bien sur les mesures à prendre pour réduire leur impact environnemental. La plupart des stations de ski ont déjà mené différentes actions pour progresser dans ce domaine. Mais « green washing » ou bien progrès réels ?
L’impact environnemental le plus important en termes d’énergie dépensée est de loin le transport des touristes depuis leur domicile. Dans le bilan carbone moyen des destinations hivernales il représente un peu moins de 60% des émissions de CO2.
Dans cette fraction l’avion joue le tout premier rôle avec 63 % des émissions des transports en Tarentaise pour seulement 15% de la clientèle. Le renoncement à cette clientèle améliorerait notablement le bilan carbone de l’industrie du ski. La fermeture des aéroports de Chambéry et Grenoble y contribuerait. Par ailleurs certains clubs de vacances de la station prospectent une clientèle lointaine - notamment des brésiliens - dont l'effet destructeur sur le climat - et notre environnement - est majeur.
Pour continuer de réduire les émissions carbonées il faudrait recourir davantage au train pour acheminer nos visiteurs. Il s'agit de répondre à une demande forte de la clientèle : 51 % des clients de station de ski souhaitent venir en train… et seulement 7 % peuvent le faire ! Cette augmentation de l'offre buterait sur un ensemble de difficulté :
- L'absence de sillons notamment à cause de la voie unique en Tarentaise. Si la situation est effectivement tendue le samedi après-midi, il convient de noter que le nombre de trains le Samedi a globalement baissé les dernières années. Il existe de nombreux sillons disponibles le samedi matin, le samedi soir… et tous les autres jours de la semaine !
- Le manque de matériel. Effectivement, la SNCF comme la région AURA sont durablement sous dotés. Mais ce n'est pas le cas d'autres opérateurs et la remarquable tentative de la Compagnie des Alpes de faire intervenir d'autres opérateurs européens doit être renouvelée.
Deux actions peuvent être engagées à court terme :
- La restauration et la montée en puissance de nouveaux opérateurs capables d'exploiter des trains pour faire venir la clientèle avec un moyen décarboné. La Compagnie des Alpes offre toutes les compétences nécessaires pour exploiter des trains et mettre en place un partenariat avec les collectivités.
- L'Orient Express est venu à plusieurs occasions à Bourg Saint Maurice mais dans la plus gande indiférence ! Or, il est important que cette initiation soit prolongée et confortée notamment au moyen de partenariats avec les opérateurs locaux. Rien ne s'oppose à ce développement :
- Les sillons nécessaires sont dès à présent disponibles.
- Le matériel est disponible et prêt à être exploité.
- La Tarentaise possède la clientèle potentielle pour cette prestation haut de gamme. L'image véhiculée par l'Orient Express est très porteuse et facilitera la généralisation de l'usage du train de nuit pour aller au ski.
Dans l’état actuel des choses la voie ferrée de Tarentaise ne peut pas accueillir beaucoup plus de trains le samedi après-midi. Par contre elle pourrait recevoir de nombreux trains de nuit… Il serait souhaitable de s’attaquer enfin à l’étalement des départs et arrivées en station qui permettrait l’utilisation massive du train comme moyen d’accès. Les tarifs actuels sont relativement dissuasifs il faut le reconnaitre. Est-ce que le décalage des arrivées et départs permettrait d’agir sur les tarifs ?
Notre compagnie nationale ne semble pas capable d’acheter rapidement des rames de TGV et des trains de nuit. Le ou les fabricants français ne paraissent pas non plus susceptibles de répondre rapidement à la demande de trains de nuit…
Faut-il se tourner vers d’autres fournisseurs européens ? Le prix d’achat d’une rame TGV tourne autour de 30M€ soit à peu près le prix du récent « Transarc ». Cela montre que chaque station de ski pourrait acheter une rame de TGV ou un train de nuit et ainsi contribuer au transport de ses clients. Si la SNCF n’est pas capable de les proposer pourquoi ne pas créer une société rassemblant nos stations pour gérer la flotte ainsi réunie ?
Il existe encore des clients particulièrement fortunés qui se permettent d’arriver en station en hélicoptère. Il s’agit le plus souvent de transferts depuis les aéroports de Lyon ou Genève. Il serait bon que les collectivités et la préfecture limitent l’utilisation des hélistations aux secours ou travaux en milieu d’accès difficile. Cela limiterait les nuisances sonores imposées à la population. Cela limiterait sérieusement la pratique de l’héliski qui perdure grâce à l’acharnement de certains guides.
Le tri des déchets dans les sites touristes est toujours difficile. Mais faut-il se résigner ? Pourquoi ne pas faire signer un engagement aux locataires de studios à remplir le sac de tri durant leur séjour ? Pourquoi ne pas conditionner le remboursement de la caution à la présentation du sac de tri ? La quantité de déchets fermentescibles produits est très importante et leur collecte en voie d’être obligatoire…Faut-il envisager de les méthaniser en lien avec d’autres déchets agricoles par exemple ?
Les domaines skiables ont pratiquement tous été réaménagés pour faciliter le ski, le damage, et l’enneigement artificiel. Cela a des conséquences sur le ruissellement des eaux en cas de gros orage. Dans le cas des Arcs par exemple, les torrents situés en aval ont historiquement tous débordé. Mais depuis les terrassements effectués le phénomène s’est aggravé et la fréquence des crues torrentielles a augmenté. Depuis 25 ans la population attend que des mesures d’ampleur soient prises pour réduire le risque de catastrophe. Il faut souhaiter que les collectivités et les gestionnaires du domaine skiable s’attèlent enfin à ce grave problème.
Un domaine skiable est un espace qui n’est plus naturel… Mais il faut reconnaitre qu’il reste fréquenté par la faune et qu’on y trouve également de la végétation avec de nombreuses plantes protégées. Parfois des arolles, des champignons, des tétras lyre et bien d’autres oiseaux. La présence de zones interdites à la pratique du ski est toujours bienvenue, mais rarement respectée hélas… Faut-il recourir à davantage de filets comme en certains lieux ? Le niveau sonore avec la présence de « dance floor » en plein air a tendance à dépasser largement les bornes. Il serait temps de limiter cette exposition à un niveau raisonnable. Il y a la faune bien sûr, mais il y a aussi des personnes qui recherchent le calme en se promenant en raquettes… Au moins 50% des personnes présentes ne font pas de ski !
Quand on se trouve en vacances on est en général plus disponible pour apprendre ou s’informer. Les stations de ski pourraient réfléchir, voire s’emparer de cette possibilité de diversification des activités. Pourquoi pas des itinéraires de découverte des plantes remarquables ou des essences forestières, ou encore des expositions relatives à l’avifaune présente ? Pourquoi ne pas augmenter les itinéraires réservés à la montée à peaux de phoque ou en raquettes ? Pourquoi ne pas proposer/expérimenter des cours de yoga, d’arts martiaux, de danse, de langue, d’informatique, de cuisine végétarienne… ? Il faudrait également proposer à chacun d’effectuer son bilan carbone. C’est le moment de penser à la diversification des activités !
Le sujet du bétonnage de nos stations ne peut pas être passé sous silence, même si ce n’est pas le cas partout. Chacun sait désormais que la Tarentaise s’est doté après de nombreuses années de réflexions d’un schéma de cohérence territorial : le SCOT ! Il accordait à chaque station un quota de nouveaux lits à consommer en 15 ans. Mais hélas de nombreuses collectivités ont déjà consommé, voire dépassé le quota accordé au bout de six années seulement. D’autres plus vertueuses comme les Arcs n’ont rien construit.. Il ne semble pas y avoir de gendarme dans cette affaire. Ce document d’urbanisme est pourtant « opposable »… Pourtant le deuxième poste de production de dioxyde de carbone en Tarentaise provient du chauffage des logements construits et vendus lors du plan neige à coup de réductions d’impôts. Aujourd’hui le défi à relever consiste à les rénover complètement sous plusieurs angles : isolation thermique et rénovation intérieure, réaménagement éventuel…Les collectivités manquent d’outils vraiment efficaces pour agir sur ce qui constitue l’essentiel du parc immobilier et sur ce qui risque de devenir des friches touristiques d’ici quelques années…
La pollution lumineuse induite par l’éclairage de larges zones urbanisées nous fait oublier la beauté du ciel montagnard. On devrait pourtant observer beaucoup plus d’étoiles en montagne qu’en plaine. Mais ce n’est plus le cas ! Adieu l’astronomie.. Pourtant pour économiser de l’électricité de nombreuses collectivités se sont lancées dans l’extinction des réverbères la nuit. Cela ne se traduit pas par davantage d’insécurité contrairement à ce qui se dit parfois. Alors pourquoi pas en montagne ? Par ailleurs il semble que la réglementation impose de signaler les pylônes de grande hauteur par des lampes clignotantes… C’est pourquoi la remontée du nouveau « Transarc » est surmontée d’une « guirlande électrique » visible à des kilomètres à la ronde…Mais à première vue cela parait ne pas s’appliquer au Trans Vanoise express ou à notre magnifique ligne THT qui orne le versant du soleil jusqu’au Saint Bernard.. Comprenne qui voudra ! En tout cas on ne peut que regretter le choix d’ADS d’utiliser des pylônes très hauts pour limiter le nombre de ceux-ci et d’obtenir une vitesse de déplacement élevée.
Il reste quelques stations qui proposent encore des locations de moto neige en soirée. L’activité est polluante, bruyante, gaspille de l’énergie et dérange la faune qui ne sait plus où se reposer. Une récente action juridique a permis la condamnation de l’activité de Chamrousse. En Tarentaise on s’acharne parfois à étendre ou développer cette activité sous prétexte qu’elle serait électrique…
Et si on devenait raisonnable ?