Encore un projet de microcentrale en Tarentaise

Bonnegarde
L’association VET a pris connaissance du dossier d’enquête relatif à la mise en place d’une microcentrale sur le torrent de Bonnegarde (La Plagne Tarentaise).
Elle tient à souligner le contexte dans lequel cette enquête se déroule : aucune réunion d’information du public ou des associations n’a été organisée pour expliquer les enjeux de ce projet. L’enquête se déroule du 18 juillet au 17 aout période durant laquelle de nombreuses personnes sont en vacances. Elle coïncide aussi avec le pic de fréquentation estivale pour ceux qui travaillent dans le tourisme et donc sont peu disponibles pour prendre connaissance des travaux envisagés.

D’autre part, la Tarentaise est sans doute la vallée la plus équipée des Alpes dans le domaine de l’hydroélectricité. Notre association a d’ailleurs rédigé un article joint pour éviter de répéter cet état des lieux. Mais elle attend toujours que l’on fasse une étude d’impact sur la disparition de la vingtaine de cours d’eau vierges de tout prélèvement en Tarentaise. D’un point de vue scientifique il nous parait important de conserver un certain nombre de ces cours d’eau qui sont en quelques sorte des vestiges ou des témoins d’un passé révolu.
Vivre en Tarentaise est particulièrement consciente des enjeux énergétiques que notre planète doit affronter. Mais nous ne nous en sortirons pas en consommant toujours plus et en détruisant la biodiversité...
Pour le moment nous ne voyons apparaitre que des projets visant à produire davantage d’électricité. Mais trop peu de moyens sont consacrés aux économies possibles en isolant massivement les logements de la population permanente et ceux proposés aux touristes. Quelles mesures seront prises pour transporter « proprement » les millions de touristes qui viennent skier en Tarentaise en avion (70%) des émissions de CO2 de notre belle vallée ?
Cette déposition fait suite à plusieurs autres qui malheureusement sont en quelque sorte restées « lettre morte ». Nous regrettons l’absence de cadre adapté à une vision globale du problème qui nous semble nécessaire afin de choisir quels cours d’eau il serait possible « d’artificialiser » et quels autres nous choisirions collectivement de conserver. Seule la volonté politique manque... Mais il ne faut pas s’étonner si le milieu associatif est parfois contraint de déposer des recours administratifs.
En ce qui concerne ce dossier on retrouve les faiblesses détectées dans d’autres procédures :
1°) Les débits des deux cours d’eau qui alimentent le torrent de Bellegarde ne semblent pas avoir été mesurés effectivement. Ces débits ont été modélisés par comparaison avec celui de l’Isère à Val d’Isère et celui du Doron de Bozel à la Perrière. La période sur laquelle les relevés ont été pris en compte ne semble pas précisée et il faut savoir que les relevés de précipitations fournis par Méteo France montrent une baisse sur les vingt dernières années de celles-ci. D’autre part la situation météorologique de Val d’Isère n’est pas du tout comparable avec celle de la Plagne. Les retours d’Est procurent souvent un enneigement supplémentaire à Val d’Isère. Nous contestons donc l’estimation retenue qui permet ensuite de calculer le débit réservé qui est au minimum de 10% du module annuel. Ce chiffre est un minimum et il serait bon de le dépasser largement pour effacer tous les risques d’erreurs défavorables au maintien de la vie aquatique.
2°) La lecture du dossier constitué d’une multitude de pièces et de compléments demandés par plusieurs administrations n’est pas aisée...Et décourageante pour le non initié qui a le droit de chercher à comprendre ...
3°) L’étude d’impact :
Il semble qu’une seule visite ait été effectuée pour inventorier l’avifaune assez riche compte tenue du nombre d’espèces protégées qui sont présentes : au moins une quinzaine. Cela ne nous parait pas compatible avec la déontologie en la matière...
Il est affirmé que les milieux seraient défavorables à la présence d’amphibiens, il s’agit d’une affirmation complètement gratuite puisqu’ils n’ont pas été recherchés. Même remarque pour les reptiles.
Le projet est pourtant situé dans un corridor biologique délimité lors des études nécessaires au projet de SCOT Tarentaise. Nous avions cru comprendre que ces corridors seraient inconstructibles...Et on s’apprête à y tracer des pistes de 7m de large, à enfouir une conduite de 80cm de diamètre sur trois kilomètres, à capter deux cours d’eaux qui totalisent un linéaire naturel de 8.5 km de long...A défricher évidemment 1.6 ha de forêt.
Le tracé des pistes de 7m de large, du positionnement de la conduite parait très vague et susceptible d’évoluer. Cela peut avoir un effet positif s’il s’agit d’éviter des espèces protégées ou des zones humides. Mais il semble que cet inventaire puisse être complété...
Les cours d’eau correspondraient à une zone de «perméabilité aquatique». Quelles seront les conséquences de leur quasi assèchement ?
L’impact paysager est complètement minoré alors qu’il devrait être particulièrement pris en compte dans un secteur très touristique (juste en aval de la fameuse piste de Bob). La conduite forcée doit suivre à juste titre les sentiers existants et qui souvent bordent le torrent. Les photos présentes dans le dossier sont éloquentes à ce sujet. Nous allons vers un désastre paysager pour une quinzaine d’années. Comment imaginer l’allure de ces sympathiques chemins en milieu forestier quand une pelle mécanique y aura tracé une cicatrice dont la largeur n’est pas précisée, mais on peut craindre qu’elle soit de 7m de large. ..Un des points forts du PADD du SCOT Tarentaise est la relance du tourisme estival en s’appuyant sur le patrimoine naturel.. Le traitement que l’on envisage de réserver à ce corridor biologique parait vraiment inquiétant.
Combien de pêches électriques ont-elles été réalisées pour déterminer la présence de poissons ? Où ont- elles été menées ? Même si des infranchissables rendent la montaison impossible, il ne faut pas réduire la vie aquatique à la présence ou non de truite Fario.
La valeur du débit réservé est faible et va probablement impliquer un gel du cours d’eau durant une longue période compte tenu de son exposition. Cela est évidemment très défavorable au maintien de la vie aquatique. L’impact du rejet d’eaux usées dans l’un des ruisseaux sera d’autant plus fort...Il faudrait évidemment déterminer l’origine de cette pollution et y porter remède.
Le montant consacré aux mesures compensatoires (60 000 euros) et dérisoire par rapport au coût des travaux (7.6 M€). Les services de l’Etat ont suggéré une participation financière permettant d’améliorer la franchissabilité de la partie avale du torrent. Cela nous parait pour le moins nécessaire de la même façon que le relèvement du débit réservé.
Mais dans l’état du dossier qui montre différentes lacunes et compte tenu de l’absence de réflexion globale à l’échelle Tarentaise, nous souhaitons que ce projet soit ajourné.

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